Le 3 septembre 2022
Pascal Fechner : Salut tout le monde et bienvenue sur la chaine YouTube du Maybe Planet, Ce soir c’est une émission très spéciale pour commencer cette nouvelle saison car nous avons le plaisir et le privilège de pouvoir discuter quelques minutes avec le professeur Avi Loeb.
Professeur, c’est un honneur pour nous, merci d’avoir accepté notre invitation
Avi Loeb : Merci de m’avoir invité, c’est un grand plaisir !
Pascal Fechner : C’est la première fois que vous intervenez sur un média français ?
Avi Loeb : Non, je suis déjà intervenu pour la France, en fait ma mère parlait français, J’aime beaucoup la littérature française, j’ai lu Camus et Sartre quand j’étais jeune et j’ai évolué avec l’existentialisme comme philosophie en grandissant dans une ferme.
Pascal Fechner : Avec moi pour cette émission, Paul Plumat, réalisateur et membre du Conseil d’Administration du Maybe Planet, Paul, ça va ?
Paul Plumat : Ça va bien, merci !
Pascal Fechner : Et Luc Dini, Président de la Commission Sigma 2, Luc, si tu peux nous présenter Sigma 2 en quelques mots ?
Luc Dini : C’est très simple, nous appartenons à la 3AF, qui est l’association aéronautique et astronautique française, similaire à la NAA aux Etats-Unis mais bien sûr de taille différente, de taille plus petite en France, rassemblant des industries de l’aéronautique, des laboratoires de recherche et des écoles d’ingénieurs également, et la 3AF rassemble différentes commissions d’expertise en aérodynamique, propulsion spatiale et ainsi de suite, et l’une d’elles, une commission spéciale, Sigma 2, est dédiée à l’étude des OVNIS.
Pascal Fechner : Merci d’être avec nous, Luc. J’ai le plaisir de poser la première question.
Dans un récent article paru dans Medium.com, vous avez écrit « De toute évidence, l’histoire dépend de qui l’écrit ».
Mais on espère que la recherche scientifique est une entreprise honnête dans laquelle le crédit est rendu aux pionniers qui le méritent.
Quand Bill Nelson, l’actuel patron de la NASA dit que les UAPs sont un domaine de recherche sérieux, vous contactez la NASA pour travailler ensemble sur le sujet, mais la NASA vous répond : « non… »
Et maintenant la NASA indique (vouloir réaliser) une étude complète, sans même citer Galileo.
Allez-vous trop vite et trop loin pour la recherche institutionnelle ? En tant que pionnier, pensez-vous que la Science reconnaîtra que vous avez compris ce qu’il fallait faire sur ce sujet avant tout le monde ?
Avi Loeb : Il est vrai que le directeur du renseignement national a remis un rapport au Congrès sur ces objets non identifiés, puis à peu près au même moment, le chef de la NASA a déclaré que les scientifiques devraient s’engager à déterminer la nature de ces objets, et j’ai immédiatement contacté la NASA, à qui j’ai soumis un résumé (de notre action) et, je leur ai dit que je serais honoré de rendre leur patron heureux, mais ils n’ont jamais répondu et puis un an plus tard ils ont décidé d’établir une étude et je n’y ai pas été inclus, car ils ont dit que j’avais un conflit d’intérêts car entre-temps j’ai créé le projet Galileo qui travaille sur ce domaine.
C’est un peu étrange, je ne pense pas que, par exemple, s’il y avait une étude sur un changement climatique, les personnes qui s’intéressent au changement climatique seraient interdites de siéger au comité qui piloterait l’étude sur le changement climatique.
C’est ce qui m’a surpris, mais en même temps, je suis très heureux que nous ayons le projet Galileo.
Il est financé par des dons de personnes qui sont venues me voir car elles ont été inspirées par mon livre, « Extraterrestre » qui a été traduit en français.
Ce livre parle de le premier objet interstellaire signalé, nommé Oumumua, et pourquoi il ne ressemblait pas à une comète ou à un astéroïde du système solaire, il avait donc l’air très inhabituel et j’ai suggéré que peut-être il était d’origine extraterrestre.
C’était un objet découvert par des astronomes et puis plus récemment avec mon étudiant nous avons trouvé le premier objet interstellaire sous la forme d’un météore, dans des données d’archives que le gouvernement américain avait à partir de 2014, et en fait le gouvernement américain a confirmé qu’il est venu de l’extérieur du système solaire dans une lettre il y a quelques mois, et nous prévoyons une expédition en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour collecter les fragments.
Donc ces deux choses font partie du projet Galileo qui a été financé par ces riches individus qui m’ont donné quelques millions de dollars pour mes fonds de recherche à l’université de Harvard, et nous avons maintenant environ 100 bénévoles travaillant sur le projet.
Le premier système de télescope a été installé sur le toit de l’observatoire de l’université de Harvard, nous venons d’avoir une conférence au début du mois où les membres de la structure se sont réunis.
On prévoit de tester ces instruments dans les mois à venir, puis de les déployer dans un endroit où nous pourrons surveiller le ciel en continu, et l’idée est d’observer le ciel dans les fréquences radio, optique, infrarouge et aussi dans les fréquences audios, puis d’analyser les données avec des algorithmes d’intelligence artificielle, et de comprendre ce que nous voyons.
La plupart des objets seront probablement soit naturels comme des oiseaux ou des insectes, soit des objets créés par l’homme, comme des drones ou des avions ; mais nous voulons voir s’il y a autre chose, parce que le gouvernement prétend qu’il y a des objets qu’ils ne peuvent pas identifier.
C’est la deuxième branche du projet Galileo et c’est très excitant, Je n’ai pas besoin de l’approbation de la NASA ou du soutien du gouvernement, parce que nous avons reçu suffisamment de fonds pour continuer en utilisant des dons privés.
La troisième branche du projet Galileo est de planifier le rendez-vous avec le prochain Oumuamua, à savoir concevoir une mission spatiale qui s’en approchera, et prendra des photos précises, car on dit qu’une image vaut mille mots, et même dans mon cas elle vaut 66 000 mots, le nombre de mots dans mon livre.
Paul Plumat : Je veux rebondir sur ce que vous venez de dire, prendre une photo d’un UAP, parce que c’est quelque chose qu’on essaie de faire depuis des décennies, bien qu’il n’y eût pas de financement pour le faire comme vous l’avez obtenu, vous dites souvent si on observe de près un UAP, on verra si ça vient de Chine ou de Russie ou s’il y a une étiquette Planet X.
Y a t’il autre chose que vous attendez (pour identifier) un phénomène comme un vaisseau exogène ?
Avi Loeb : Il y a deux propriétés qui le rendraient non naturel ou non fabriqué par l’Homme, c’est l’apparence de l’objet, si vous pouvez en obtenir une image haute résolution.
La seconde est son comportement, comment il bouge, il y a des limites à l’accélération et à la vitesse des objets que nous sommes capables de fabriquer, et nous connaissons à peu près les limites de nos technologies, donc si nous voyons quelque chose se comporter d’une manière qui va au-delà, alors ce serait assez excitant.
Maintenant nous devons garder à l’esprit que pour être sûr de ces caractéristiques, c’est un objet que nous devons observer avec différents instruments, de différentes directions, de différentes bandes d’ondes, juste pour nous assurer que nous comprenons ce que nous regardons.
Pour poursuivre, les données qui ont été obtenues jusqu’à aujourd’hui, soit par des civils de manière anecdotique, ou par l’armée, n’est pas de meilleure qualité que celles qui ont été rendue publiques.
Généralement les images sont floues, ou vous ne savez pas le mouvement qu’effectue la caméra.
De plus le gouvernement peut avoir de bien meilleures données, par exemple à partir de satellites, mais ils ne publient pas les données.
Je pense qu’attendre que le gouvernement déclassifie les données, c’est comme attendre Godot dans la pièce de Beckett, nous savons que nous pouvons attendre indéfiniment, mais le ciel n’est pas classifié, et nous ferions mieux de collecter les données nous-mêmes, de le faire avec des instruments entièrement sous contrôle, dont nous savons exactement ce qu’ils font.
Nous optimisons également les instruments pour qu’ils soient à la pointe de la technologie, c’est ce que nous faisons dans le projet Galileo. Les données seront de très haute qualité, et elles seront ouvertes à tous afin que le public puisse les consulter, pour quiconque veut les analyser.
C’est la méthode scientifique vous savez, et une fois que nous obtiendrons des données de haute qualité nous pourrons éclaircir ce problème, et même si nous ne trouvons rien de fabriqué en dehors de cette terre, vous savez que ce serait un bon service à la société (par rapport à la Conspiration…)
Mais si nous trouvons un seul objet qui ne peut pas être expliqué, cela aurait un impact énorme sur l’avenir de l’Humanité.
Pascal Fechner : Je ne sais pas si vous avez vu la semaine dernière la photographie de Calvin produite par le Docteur David Clarke, il a indiqué dit que c’était la photo plus étonnante qu’il ait vu, vous avez une opinion à ce sujet ?
Avi Loeb : Oui, nous en avons donc discuté dans le cadre du projet Galileo et notre conclusion est que ça pourrait être par exemple un bombardier B2, ou une technologie qui a été développée à l’époque et utilisée par exemple dans la guerre d’Irak qui avait eu lieu à ce moment.
Donc c’est pas du tout clair si c’est un équipement militaire que le gouvernement a préféré ne pas divulguer à l’époque, c’est pourquoi euh, même si cela ressemble à un objet artificiel, c’est inhabituel, ça ressemble à ces avions inhabituels auxquels certains gouvernements ont accès.
A partir d’une seule image, vous ne pouvez pas vraiment dire comment il se déplace, et je suppose que c’était un avion militaire, mais vous savez, nous n’avons pas besoin de nous fier à des données vieilles de trois décennies, nous pouvons collecter de nouvelles données de bien meilleure qualité, et s’il y a quelque chose d’inhabituel, nous aurions des preuves concluantes.
Donc la question n’est pas de revenir en arrière, mais d’aller de l’avant et utiliser les meilleurs instruments qui n’étaient pas disponibles à l’époque.
Luc Dini : J’ai une ou deux questions à vous poser, Professeur.
Première chose, vous mentionnez les installations que vous construisez et vous rassemblez différents types de capteurs, optique infrarouge, électromagnétique.
Quels types de capteurs est-ce exactement, et considérez-vous qu’ils pourraient être utilisés pour essayer de collecter des informations provenant de l’espace, d’observer des objets dans l’espace ?
Ou de collecter des informations sur des objets ou des phénomènes se produisant dans l’atmosphère, ce qui est différent, et qu’en est-il de la couverture ?
Car vous avez mentionné un réseau de capteurs, qui est un sujet que nous examinons avec Sigma 2, en relation avec des personnes qui suivent les météorites en utilisant différents types de caméras en réseau, et essayant de comprendre quelle est la cinématique et où est le point d’impact.
Avi Loeb : Nous avons d’abord plusieurs approches.
Premièrement, c’est la série d’instruments que nous mettons en place qui surveillera le ciel entier.
A un endroit, vous regardez le ciel entier, pas comme les astronomes qui regardent généralement une portion très étroite, et les astronomes dans un observatoire ignorent généralement tout ce qui va au-dessus de l’observatoire, s’il y a un oiseau, ils l’ignorent simplement.
Donc cela n’a jamais été fait, il n’y a jamais eu d’installation qui surveille tout le ciel, continuellement, dans différentes bandes d’ondes, et c’est ce que nous construisons.
C’est un nouveau territoire, dans le sens où il y a une énorme quantité de données à partir d’une vidéo du ciel en permanence, y compris l’audio.
Donc nous avons 8 caméras infrarouges qui couvrent tout le ciel, nous avons une caméra optique avec un objectif fish-eye qui surveille tout le ciel, nous avons un système de radar passif qui surveille essentiellement les réflexions, produites à la fois par les ondes électromagnétiques des émissions des émetteurs de la télévision, ou des transmissions des stations de radio.
Nous regardons l’écho à la réflexion de n’importe quel objet dans le ciel, nous ne transmettons pas nous-mêmes de signaux, ce n’est pas un système radar standard, nous recevons simplement les différents types de réflexion.
Puis nous avons évidemment le système audio, nous enregistrons tout sons que nous entendons depuis le son infrarouge, qui est de très longues longueurs d’onde à l’échelle kilométrique, jusqu’aux ultrasons qui sont les longueurs d’onde très courtes sont des échelles millimétriques, il s’avère donc que l’oreille humaine est sensible dans la gamme de longueurs d’onde qui donnent le plus d’informations, car nous avons évolué de cette façon pour nous protéger des menaces dans la nature.
Note de Toledo : Je crois qu’il y a une confusion entre ondes sonores et électromagnétiques, mais peu importe, on a compris que les deux sont surveillées…
Les ondes de très courte longueur d’onde ne se propagent pas sur une grande distance, et sont amorties par l’atmosphère.
Les très grandes longueurs d’ondes transportent très peu de données. Mais nous avons ces systèmes audios qui enregistrent tout.
Ça, c’est pour la batterie d’instruments que nous avons au sol à un endroit donné.
Et ensuite nous dupliquerons cette installation dans différents endroits.
Donc c’est une des approches.
Et bien sûr les données de ces systèmes seront analysées par des ordinateurs. En temps réel nous essayerons d’identifier des objets et de comprendre ce qu’ils sont à travers un apprentissage automatique.
Il y a aura un algorithme qui apprendra à travers l’expérience au fur et à mesure que l’on détecte plus d’objets.
Nous serons en mesure de dire plus facilement si c’est un avion ou un drone car nous en aurons l’habitude.
Encore une fois c’est une nouvelle approche en utilisant un logiciel.
Mis à part cela, nous voudrions obtenir des données satellites, et on commence à penser à cela, parce que l’idée est d’observer des objets non-identifiés depuis le dessus, pas seulement juste depuis en bas.
Et donc tout ça concerne des objets dans l’atmosphère terrestre.
Mais comme vous l’avez fait remarquer il y aussi un intérêt pour les objets dans l’espace qui ne s’approchent pas près de la Terre, et pour ça nous avons l’observatoire Vera Rubin qui va commencer ses opérations dans un an environ, et qui pourrait observer des objets comme Oumuamua plusieurs fois par an.
Et je vois ça comme une application de rencontre, quand vous cherchez un rendez-vous galant, il y a ces applications sur le téléphone, et la plupart du temps on fait glisser le profil à gauche (Comme sur Tinder).
Mais de temps à autre on peut se dire : voici un objet inhabituel comme Oumuamua et on veut le rencontrer, comme un rendez-vous galant.
Cela coûterait plus d’un milliard de dollars pour aller le rencontrer. Mais on planifie la mission spatiale et ses paramètres.
Et je devrais dire qu’avec un millier de fois moins d’argent, avec un million de dollars, nous planifions de rechercher les météores interstellaires, tel que celui qui s’est crashé à 160 kilomètres de la Papouasie-Nouvelle Guinée.
Nous planifions une mission qui ira chercher et récupérer des fragments de ce météore dans le fond océanique.
Et à partir de là nous espérons en apprendre sur la composition de ce météore et s’il était artificiel ou non.
Parce que nous savons que ce météore de 2014, sur lequel j’ai rédigé un article avec mes étudiants avec qui nous avons découvert ce météore, nous savons qu’il allait plus vite que 95% de objets se déplaçant dans le système solaire.
Il était aussi plus solide que tous les météores que le gouvernement avait dans sa base de données, ils en ont 273 en tout.
Donc c’était deux fois plus solide que du fer par exemple.
Donc c’est clairement aberrant en termes de composition, en termes de vitesse et c’est donc il est possible que ce fût d’origine artificiel.
Donc on veut découvrir si sa composition est rocheuse et donc naturelle, ou peut-être un alliage qui a été produit par une autre civilisation.
Luc Dini : Une autre question à propos des instruments, des télescopes et d’autres capteurs que vous avez mentionnés.
Vous avez mentionné les caméras infrarouges. Prévoyez-vous d’avoir un spectromètre ?
Ça pourrait être très utile car on pense habituellement à différents types de radiations, plus précisément celles générées par du plasma.
Et pour analyser la signature également. Avoir une analyse du spectre serait très utile.
Avi Loeb : Effectivement, nous envisageons cela comme la prochaine étape. Une fois que nous détecterons des objets d’intérêt, nous espérons obtenir un spectromètre.
Nous allons aussi nous équiper d’un magnétomètre pour mesurer le champ magnétique, s’il y en a émis par n’importe quel objet dans le ciel.
Ainsi qu’un détecteur de particules à haute énergie, des muons par exemple. On recherchera ce genre de choses également.
Luc Dini : J’ai une autre question en relation avec les capteurs électromagnétiques, les capteurs passifs.
Vous avez mentionné le fait d’utiliser des signaux issus par la réflexion des émetteurs TV. Donc pouvez-vous aussi utiliser la réflexion des radars ?
Je sais qu’en France le réseau Fripon utilise des caméras optique fish-eye (grand angle) pour observer les mouvements des météorites entrant dans l’atmosphère.
Mais il serait aussi possible d’utiliser la réfection des radars comme le radar GRAVES qui suit la traînée ionisée pour faire d’autres genres de mesure.
Avi Loeb : C’est un très bon point, la philosophie du projet Galileo est pour nous de ne rien transmettre.
Nous voulons être passifs car vous savez, nous ne savons pas à quoi nous avons à faire. Aussi je ne veux violer aucune loi dans des zones habitées.
Nous sommes juste passifs, nous observons le ciel. Bien sûr, si nous trouvons quelque chose d’inhabituel comme un visiteur dans notre arrière-cour, la question est quoi faire à son sujet.
Parce qu’il n’y a pas de protocoles, nous ne savons pas qui représente l’humanité, il n’y a pas d’organisation qui s’occupe de cela.
Aussi la réponse devrait être rapide parce que ce n’est pas comme recevoir un signal radio venant de plusieurs milliers d’années lumières, où on aurait le temps de répondre.
Et c’était le scénario qui était imaginé dans le passé.
La plupart des recherches de vie intelligente extraterrestre dans le passé étaient la recherche de signaux radio ou de électromagnétiques venant de loin.
Et c’est tout comme essayer d’avoir une conversation au téléphone, vous avez besoin que l’interlocuteur transmette au moment où vous écoutez.
Et nous n’avons aucune garantie. C’est à fait possible que toutes les civilisations qui ont à jamais existé, sont mortes désormais, elles ne sont plus là.
Et donc la meilleure solution pour les trouver, ce n’est pas de chercher les signaux radios qu’ils ont envoyés car leurs signaux sont désormais passés depuis des milliards d’années, car ils auraient été transmis il y a plusieurs milliards d’années.
La majorité des étoiles sont plus vieilles que le soleil de plusieurs milliards d’années.
Au lieu d’essayer de détecter leurs signaux, nous pouvons chercher les reliques qu’ils auraient laissé derrière eux.
J’appelle ça l’archéologie interstellaire. La recherche d’objets qu’ils auraient envoyés à des vitesses qui n’échapperont pas à l’attraction de la Voie lactée.
Vous pouvez imaginer la Voie lactée comme un panier qui peut garder toutes ces sondes confinées par le potentiel gravitationnel de notre galaxie.
Si les caractéristiques de la vitesse de cette sonde sont comme ce que nous avons, des fusées chimiques qui vont à des dizaines de kilomètres par seconde, alors ils seraient emprisonnés par la force gravitationnel de la Voie lactée et on pourrait les trouver.
C’est ce que j’appelle de l’archéologie interstellaire.
Et il y a 2 types d’objets.
Premièrement, il y a des déchets spatiaux, comme nos fusées dans un milliard d’années par exemple, mais qui ne seraient pas fonctionnels.
Les seconds seraient aussi des déchets, mais avec aussi la possibilité de sondes encore fonctionnelles.
Elles fonctionneraient avec une intelligence artificielle, et on pourrait en extraire des informations.
Ces sondes pourraient également s’auto-répliquer. Comme John Von Neumann l’a envisagé en 1948.
Pascal Fechner : Professeur, vous avez dit quelque chose que j’adore. Quand vous dites : “Peut-être que nous ne sommes pas les gamins les plus malins du quartier”
Avi Loeb : Vous savez notre développement technologique, la science moderne et technologique n’est seulement âgée d’un siècle.
Si vous retournez un siècle en arrière, c’est l’époque où la mécanique quantique a été découverte, la relativité générale a été découverte.
Donc ça fait seulement un siècle, et tous les gadgets que nous utilisons aujourd’hui sont basés sur la mécanique quantique.
Donc c’est seulement un siècle comparé à l’âge de la Terre qui est de 4,5 milliards d’années.
Donc nos chances de trouver une autre civilisation exactement au même stade d’évolution que nous sont vraiment ridicules.
Donc plus probablement ils sont bien plus primitifs que nous le sommes. Comme nous étions il y a plusieurs millions d’années.
Ou ils sont bien plus avancés que nous.
Maintenant si nous cherchons des races plus primitives que nous, nous devrions y aller jusqu’à leur exoplanète. Atterrir dessus et chercher dans la jungle ces cultures primitives. C’est très fastidieux, déjà il faut se rendre jusqu’à ces exoplanètes.
Cela demande beaucoup de temps et d’efforts. Et une fois sur place, il faut aller les chercher dans les buissons et les arbres, et ce n’est pas une tâche facile.
Donc je dirais que nous ne devons pas aller chercher ceux qui sont primitifs, car je pense aussi que nous n’avons pas grand-chose à apprendre d’eux.
L’alternative est de rechercher ceux qui sont bien plus avancés que nous.
Comme nous le serons nous-même dans un millier d’années, voire un million d’années, peut-être même dans un milliard.
Donc dans ce cas, on n’a pas besoin d’en faire trop, parce qu’ils ont peut-être envoyé des sondes qui sont dans nos environs.
Et on pourrait juste les chercher.
Et dans ce cas, bien sûr, il y aurait un écart technologique. Nous ne serons pas en mesure de comprendre les intentions et la nature de ces objets.
Mais on saurait dire que ces objets ne sont pas naturels, et qu’ils ne sont pas fabriqués par l’homme.
C’est comme un homme des cavernes qui trouverait un téléphone ou s’il allait à New York.
L’homme des cavernes ne comprendrait pas comment ça marche, mais il serait capable de comprendre que ce n’est pas naturel.
Et que par conséquent c’est d’origine technologique.
Paul Plumat : C’est une transition parfaite avec ma question.
Donc en parlant de cave, je voulais parler de l’allégorie de la caverne de Platon et de la notion de paradigme.
Comme Pascal a dit, vous êtes un pionnier, ce que vous faites avec Galileo, personne ne l’a fait auparavant.
Donc nous avons un sujet qui a été stigmatisé depuis des décennies, voire des siècles.
Parce que c’est en dehors de notre paradigme, c’est en dehors de notre cave si vous voulez.
Donc à propos des sujets de discussion que nous avons maintenant, et je ne parle pas de la conversation sur Stream Yard, je parle des sujets de discussion internationales que nous avons avec les différentes affaires UAP et cætera.
Est-ce que vous pensez que pour nous, le fait d’avoir cette conversation, le paradigme a déjà changé ?
Pensez-vous que c’est en train de changer ?
Ou bien c’est sur le point de changer ?
Avi Loeb : Je pense que c’est sur le point de changer et je vais expliquer pourquoi.
Si vous retournez 100 ans en arrière, les astronomes croyaient que le Soleil était fait des mêmes matériaux que la Terre.
Et après il y a eu un doctorant, le premier doctorant en Astronomie à l’Université d’Harvard. Cecilia Payne-Gaposchkin.
Et elle a donc suggéré que la surface du soleil est faite d’hydrogène, et ce fut une révolution.
Parce que non seulement le Soleil est majoritairement composé d’hydrogène mais l’univers tout entier est fait d’hydrogène.
Donc ça a été un choc. En fait, le directeur de l’observatoire de l’Université de Princeton de l’époque, Henry Norris Russel, un astronome très respecté, a dit :
“C’est impossible, tu as forcément tort. Tu devrais l’enlever de ta thèse de doctorat. »
Et elle était une jeune femme débutante en tant que scientifique, donc elle a dit “Ok, je l’enlève de ma thèse”.
Et après elle a travaillé pendant 4 ans et elle a démontré qu’elle avait raison.
Voilà l’histoire d’il y a un siècle.
Et après, aux alentours de 1933, Fritz Zwicky, un autre astronome de Caltech a réalisé qu’il y a bien plus de matière que la matière ordinaire.
Donc l’hydrogène est de la matière ordinaire, c’est l’un des atomes qui compose l’eau.
Donc ce n’était rien d’inhabituel de trouver de l’hydrogène dans le Soleil.
Mais après Zwicky a argumenté qu’il y a certains matériaux, certaines choses quelque part dans l’univers, qu’on ne trouve pas dans le système solaire du tout !
On n’en a pas une trace !
Et maintenant ça s’appelle de la matière noire.
Et pendant 40 ans c’était rejeté.
Les astronomes ridiculisaient l’idée qu’il existe de la matière différente de celle que l’on trouve dans le système solaire.
Donc encore une fois la même histoire qu’avec le Soleil.
Les astronomes disent “Oh oui toute la matière dans l’univers est la même que dans le système solaire.”
Aujourd’hui si vous demandez à n’importe quel astronome, n’importe quel cosmologiste, ils diront : “Bien sûr il y a de la matière noire, la question ne se pose pas !”
En fait, n’importe qui qui le douterait serait vu comme une aberration.
Et on ne sait toujours pas ce qu’est la matière noire. Sa nature est inconnue.
Mais maintenant voici la troisième partie de l’histoire…
Il y a 5 ans, nous avons découvert le premier objet venant d’en dehors du système solaire, le premier objet interstellaire.
Et devinez quoi, les deux premiers de ces météores que j’ai décrits, et Oumuamua, ne ressemblent pas aux comètes ou astéroïdes que nous avons observé auparavant dans le système solaire. Donc il est naturel de se demander « qu’est-ce que c’est ? »
Mais à la place la communauté “mainstream” dit : “oh ce sont des rochers d’une forme jamais rencontrée auparavant”.
Les suggestions de mes pairs étaient que Oumuamua était un iceberg de nitrogène, un iceberg d’hydrogène ou un amas de poussière. Ce sont les propositions qui tournent partout et on dit : “Oui c’est naturel ! Mais c’est quelque chose que nous n’avons jamais vu avant”
Et je dis « vous savez pourquoi les deux premiers objets sont quelque chose que nous n’avons jamais vu avant ? »
Cela signifie que nous ne comprenons pas quelque chose à propos de l’espace interstellaire.
Comme quand nous ne comprenions pas quelque chose à propos de la matière noire, ou que le soleil est différent de la Terre.
Et voilà la troisième partie de l’histoire.
Et c’est pour ça que je pense que par exemple avec plus de données de l’observatoire Vera Rubin, cela deviendra éventuellement impossible d’ignorer la présence de ces débris dans l’espace.
Et cette perspective suivra les mêmes étapes que les histoires que j’ai mentionnées précédemment.
Il y des personnalités du “mainstream” qui disent aujourd’hui que c’est ridicule, qu’il s’agit de choses, d’objets naturels.
Et quand il y aura plus de données, ils diront : “Oh oui, ce n’est pas naturel, en fait on en parlait déjà dans les années soixante, il n’y a rien de nouveau”, et ils s’octroieront les crédits pour ces déclarations. Donc je pense que la même dynamique pourrait se produire ici.
Mais nous sommes toujours dans les premières étapes comme ces phases où le sujet est ridiculisé.
Comme la matière noire qui a été ridiculisée pendant 40 ans ! Et bien sûr la clé est d’obtenir les données, les preuves. Parce que sinon c’est une prophétie auto-réalisatrice.
Vous savez il y a ces astronomes, ces scientifiques, qui disent que des affirmations extraordinaires demandent des preuves extraordinaires.
Ils citent Carl Sagan. Mais je pense que c’est une terrible citation. Moi je dis que des preuves extraordinaires demandent des financements extraordinaires. Vous devez d’abord financer la recherche.
La recherche de la matière noire a été financée à hauteur de milliards de dollars pendant plusieurs décennies.
Si on investit dans la recherche d’équipement d’autres civilisations, pendant plusieurs décennies, pour des milliards de dollars, et que l’on ne trouve rien, on en serait exactement au même point qu’avec la matière noire à l’heure actuelle !
Et ça fait partie du “mainstream”.
Vous savez les gens gagnent des récompenses car ils proposent un type de matière noire qui sonne de manière plausible, et puis on découvre que ce n’est pas là, donc la personne qui s’en rend compte gagne un prix.
Encore une fois cela vous montre que ça fait partie du mainstream.
Donc pourquoi la recherche de matière noire fait partie du “mainstream” quand on ne sait pas ce que c’est.
Et la recherche d’équipements d’autres civilisations ne fait pas partie du mainstream. C’est un phénomène social.
Ça n’a rien à voir avec le mérite de l’affaire car nous envoyons nous-même de l’équipement dans l’espace. Nous savons qu’une fraction substantielle de toutes les étoiles comme le Soleil ont une planète à peu près de la taille de la Terre.
Quelque part entre quelques 0% et 100%. C’est encore discuté sur la question des planètes comme la Terre orbitant autour d’étoiles similaires à notre Soleil.
Avec ça en tête ce n’est pas une idée farfelue de considérer la possibilité qu’il y ait des objets envoyés il y a un milliard d’années.
Pourquoi pense-t-on qu’Albert Einstein fut le scientifique le plus intelligent qui ait existé depuis le Big Bang ?
C’est probablement faux, il y a eu des scientifiques plus intelligents sur d’autres planètes autour d’autres étoiles, et ils ont pu concevoir une science et des technologies plus avancées que celle que nous avons.
Pascal Fechner : Professeur, nous savons que votre temps est précieux. C’était incroyable de parler avec vous aujourd’hui. Peut-être que vous viendriez en France à Paris si une institution vous invitait… Luc tu en penses quoi ?
Luc Dini : Je pense que c’est une excellente idée. Déjà pour commencer on va certainement organiser un genre de webinar dédié à l’analyse scientifique des UAPs.
En étudiant les observations physiques, collectées à travers les années en essayant de recouper les visuels en termes d’observations et ainsi de suite.
Et l’initiative prise par le projet Galileo est très très intéressante, en incluant l’utilisation d’intelligence artificielle pour analyser les données.
C’est un net progrès dont nous sommes témoins.
Nous n’avons certainement pas avec les mêmes moyens que vous avez, mais nous essayons de travailler avec l’observatoire de Paris sur ce genre de sujets, et avec d’autres laboratoires de recherches. Donc c’est un sujet dont nous aimerions certainement discuter avec vous.
Et peut-être comme Pascal a dit, essayé de vous inviter à Paris.
Ça pourrait être très intéressant, de rassembler des personnes, pour se rencontrer et discuter.
Avi Loeb : Ce serait un honneur…
Luc Dini : Et nous avons échangé des mails, car je suis très proche de Jacques Vallée.
Avi Loeb : Ah oui ! Je le verrai pour dîner ce vendredi pour discuter
Luc Dini : J’ai aussi dîné avec lui en Juin, et Beatrice Weraluel. Elle travaille et est connectée avec le réseau du projet Galileo et je l’ai trouvé très intéressante également.
J’espère vraiment que nous aurons d’autres contacts et opportunités de vous inviter à un webinar et ensuite à un meeting physique à Paris, pourquoi pas.
Pascal Fechner : Un grand grand merci professeur, c’était un plaisir et merci énormément pour le public français.
Le plaisir était pour moi. A plus tard !
Note de Toledo
Ce que j’apprécie avec Avi Loeb est le fait que nous sommes dans un véritable raisonnement scientifique, et parfaitement construit. Cela change heureusement des déclarations que nous sommes habitués à entendre ici et là…
Il y a donc un postulat, puis une méthode, et un projet qui se met en place, dans le but de récolter des données. Lui-même ne sait pas si cela peut aboutir à quelque chose, mais il a raison d’affirmer que si nous ne faisons rien, nous ne trouverons rien…
Un grand moment de Science.